Quand la parodie tue le sens

Vous avez peut-être suivi le conflit qui oppose en ce moment l’association Les indivisibles et Caroline Fourest. Pour ceux qui n’en savent rien, voici un bref résumé.
Tout commence quand la journaliste (ancienne de Charlie Hebdo pour donner la couleur) se voit attribuer un Y’a bon Award, prix décernés aux personnalités médiatiques auteurs des plus beaux « dérapages » racistes de l’année. En cause, une phrase issue de son discours à la convention égalité réelle, organisée par le PS (le lien ici).  En effet l’exemple des associations qui lèvent des fonds pour le Hamas et organisent des matchs de basket de femmes voilées n’est ni fine ni subtile –s’agit-il d’ailleurs d’une hypothèse ou d’une réalité, ce n’est pas clair dans le discours-.
Néanmoins en écoutant le discours dans son ensemble on comprend parfaitement où Fourest veut en venir et on ne voit rien de raciste. Sa mise en garde contre une construction du multiculturalisme, qui au nom de la diversité, accepterait des usages contraire aux valeurs de la république est tout à fait pertinente.

Tout dans l’attribution de ce prix étonne, du choix d’une personnalité connue pour son engagement féministe et antiraciste, à l’origine de la citation –contrairement à un Zemmour en prime time il s’agit ici d’une allocution très peu médiatique- en passant bien entendue par le contenu du propos de Caroline Fourest…
Sa menace d’un dépôt de plainte a contribué à provoquer un buzz et nombreux sont ceux qui aujourd’hui commentent ce Y’a bon Award et s’en étonnent. Ce qui pousse les organisateurs, l’association Les Indivisibles, par la voix de Rokhaya Diallo puis de Gilles Sokoudjou à se défendre (lien ici).
C’est ici que le sujet m’intéresse le plus. Plutôt que d’argumenter et faire la démonstration du racisme de Caroline Fourest, l’angle de défense est d’invoquer le caractère parodique du prix. Or s’il y a sans aucun doute de l’humour dans l’entreprise des Y’a bon, en quoi sont-ils parodiques ? Il s’agit certes d’une sorte d’anti-award, puisque a priori personne ne désire le gagner. Mais aussi bien dans son fonctionnement -un jury, un public, des votes, des nominés, un gagnant- que dans sa finalité -mettre la lumière sur les plus grosses sorties racistes de l’année- il s’agit bien d’un prix.
A travers cette argumentation la porte-parole et le président des indivisibles se rendent-il compte qu’ils décrédibilisent leur action ? Dès maintenant si un autre vainqueur se verra questionné au sujet de sa présence aux Y’a bon, il lui suffira de répondre, tout sourire, « vous savez c’est juste parodique ».

A vouloir jouer entre farce et critique, spectacle et démonstration, on finit comme beaucoup de shows d’« infotainement » ou de « mokumentary » à n’être plus ni juste dans ce qu’on dénonce, ni vraiment drôle. Et à tour à tour se réfugier derrière son engagement ou sa légèreté de ton lorsque l’un des deux points devient trop faible.

D'autres articles sur le sujet
dans les Inrocks lien 1, lien 2
sur Rue89 lien 1
l'article de Sophia Aram dans Libération ici
enfin les liens vers le blog de Caroline Fourest et le site des Indivisibles

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